Trips

Un gros titre se détachait sur trois colonnes :

ARRIVEE DU FUHRER A WASHINGTON

La photo représentait le président Kennedy. Son visage fendu par un large sourire accusait la soixantaine. Il serrait la main du Führer Gœring, qui devait avoir dépassé les quatre-vingts ans et dont les petits yeux malins s'allumaient au souvenir d'une longue vie d'appétits satisfaits. Etrange expérience que la lecture de ce journal : les pages présentaient bien, les articles sonnaient bien, mais tout avait le caractère d'un rêve. Robert Kennedy, sénateur du Massachussets, étaient en Italie. Il venait de visiter l'imposant tombeau de Mussolini, près du Colisée. Il allait avoir une entrevue avec le pape Benoît XVI. Un rêve, oui. Mais substantiel et dense. Taillé dans l'épaisseur d'une indiscutable réalité. Et annonçant de graves ennuis dans un avenir très proche.

Dériver de monde en monde, flotter dans le flot du temps, se perdre dans les eaux de la mémoire : telle est l'obsession de Robert Silverberg. Le Livre des crânes, c'est un voyage à travers l'Amérique. Le fils de l'homme, c'est un voyage au fond de l'avenir. Il y a la fuite, l'oubli, le rêve, la défonce — mais aussi le désir de vivre et la quête de la plénitude. Voyager au bout du monde ou au bout de la conscience, où est la différence ? Tous nos voyages nous ramènent à nous, comme on le voit dans Trips.